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Le Journal des Poètes, 2008

ROME DEGUERGUE
Ex-Odes du Jardin
ALAIN BAUDRY ET Cie, 2008
Collection Les Voix du livre
dirigée par Giovanni Dotoli

Ex-Odes du Jardin met en question la notion de mémoire collective au bénéfice d'une vision d'expérience sensible, celle de la mémoire personnellement vécue. Exil il y a eu et jamais il ne s'effacera complètement. Les eaux du Neckar auront beau être mêlées à celles de la Garonne, elles ne le seront que symboliquement. Au fond, resteront intacts, si l'on peut dire, les exilés de l'intérieur.

Père français, mère allemande : quel sera le cri de la femme devenue ? Comment défaire le bâillon ? Comment vivre, éternelle question de qui vit, survit, face aux autres et, si possible, avec les autres. Comment retrouver un véritable jardin, lieu de naissance et promesse de mue de l'ex-ode en ode ?

Rome Deguergue répond d'abord par des poèmes qui forment la première partie de son recueil : Jardins de marbre & de feu où, en premier lieu, règnent Nuit & Brouillard sur un kaléidoscope brisé, jardin de mort, jardin de Barbarie qui dit 'Aus' avant même qu'il ne soit abordé, lieu/non-lieu comme le dit Brice Petit dans Le Paysage de la langue (éditions Grèges), jardin néant, jardin chaos dans lequel seule l'écriture sera amie.

Et elle continue avec Jardins d'enfance & de grandir puisque se déroule, malgré tout, la vie qu'accompagne un souffle de mémoire contre l'oubli. Et commence par parler ciel, parler pierre, herbe et vent mais gare au Mal à l'herbe d'origine ! Le silence, beauté violente, seul [.] répond.

Puis les Jardins des pourquoi & de l'amour, ceux De pluies & de saisons, et surtout retour à Arcachon 'Andenken',  Dans la douce absence du murmure des hommes.

La deuxième grande partie du livre de Rome Deguergue est consacrée à une réflexion sur ces textes et leur écriture. L'enfant fut stratifiée. Dans quelle langue fut-il plus facile de sentir, de parler, de vivre ? La question posée contient en elle-même la réponse. Il y a eu une sorte d'handicap de l'oralité. Et ce sont les voyages, les sensations éprouvées qui auront permis de poursuivre dans une verticalité toute approximative, ces ex-odes qui doivent libérer des chaînes. Et le choix de la langue reconnue apportera le plaisir, apaisera la force du tourment intérieur.

Du verbe pluriel, du métissage de langues, émergera une écriture axée sur la mémoire, les mémoires, la langue, les langues. Une écriture européenne finalement, mieux encore une écriture humaine - dans le cosmos, d'une vraie vie/vie rêvée, promesse d'expérience. Et de partage.

Autres regards pérégrins (troisième partie de cet ouvrage), citations choisies d'écrivains accompagnateurs de vie, clôt ce volume destiné à dépasser la tristesse traversière, continuer à en finir avec l'avant et atteindre une nécessaire sérénité.

Jacqueline Starer (2008)