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Mensuel 2002 & Le Manoir des Poètes n°7 été - automne 2003

Keith Barnes (Londres 1934-Paris 1969)
un poète britannique à découvrir. aussi en français

En juin 2003, les éditions d'écarts publient, en bilingue, l'oeuvre poétique complète - Collected Poems - de Keith Barnes, dans la traduction de Jacqueline Starer, avec, en ouverture, un texte de Maurice Nadeau. (5, rue de l'Arbalète, Paris Ve).

Cet ouvrage présente les poèmes de Keith Barnes de manière thématique : Poèmes d'amour, Couple, famille, Guerre, après-guerre, L'écriture et la mort, Société, critique sociale, Nature, musique.

Keith Barnes, né dans l'East End de Londres, dans une famille ouvrière, 'Working Class', avait commencé par écrire de la musique. Son ouvre poétique fut réalisée entre 1960 et 1969. Neuf ans pour trois recueils dont les titres mêmes évoquent une évolution thématique :

Born to Flying Glass - Né sous les éclats des vitres - donne d'emblée le ton. L'enfant Barnes avait vécu la guerre et ses premiers souvenirs, ainsi que sa première source d'inspiration, furent ceux du Blitz, des morts vécues, de la résistance britannique.

Plusieurs de ses poèmes dont Dévaluation, le premier écrit, disent l'horreur mais aussi la dérision et la tendresse des souvenirs revenus et qui passaient les générations. Tout de suite, dès ses premiers textes, Barnes manifestait un sens de l'humour permanent dont il attribuait la paternité à ce peuple dont il était issu et pour lequel ses sentiments, d'abord mitigés, se révélèrent d'une fidélité qu'il ne pouvait abolir et encore moins trahir.

Ce qui ne l'empêchait pas de développer une critique sociale tous azimuts. Et l'on eut des poèmes sur les nouvelles cités, la vie après-guerre, les privations. Comme beaucoup des jeunes gens de son époque, il connut la petite bourgeoisie, les banlieues, les trajets en train, la routine, et la mort de l'amour. Ce fut une autre source d'inspiration : le couple, la montée de l'ennui, la séparation, le départ.

Il vécut alors à Chypre, à Paris, aux Etats-Unis où fut publié ce premier recueil, à New York, en 1967, (Harcourt, Brace & World).

The Thick Skin- La Peau dure -, durcit le ton. Composé se quatre partie : La chaleur de deux, Poser les masques, La peau dure et Perdre la face, ce recueil reprend certains des thèmes évoqués : famille, critique sociale mais il développe de manière inédite la gamme des poèmes d'amour.

Et si l'on retrouve le thème de l'union défaite, avec cruauté même, de classiques poèmes d'amour, des poèmes de sensualité pure  avant qu'avant l'heure la mort ne s'en mêle, autre thème particulièrement présent dans l'ouvre de Keith Barnes. Déjà dans Né sous les éclats des vitres, il était apparu et lié à l'écriture comme si écrire et mourir ne faisaient qu'un, comme si l'unique issue de l'entreprise d'écrire était le sacrifice de la vie à l'écriture et pas seulement la sienne propre mais aussi celle de ceux qui l'entouraient.

Alors qu'il préparait La Peau dure, il ne savait peut-être pas que la mort se rapprochait de lui, mais son écriture montre qu'il le sentait et nombre de ses poèmes en étaient imprégnés. C'était en fait comme si le présage avait investi son écriture. Il faut dire que les années pendant lesquelles The Thick Skin fut écrit furent des éprouvantes pour Barnes.

Même s'il appréciait un certain nombre de choses en Amérique, Paris lui manquait tragiquement. Il vivait, et écrivait, sous un plan de Paris, épinglé au mur.

Ain't Hung Yet  - Ils ont pas encore eu ma peau -  réunit les poèmes écrits alors qu'il avait retrouvé Paris mais la gaieté première s'était perdue. Une certaine gravité prit le pas sur l'humour omniprésent qui avait caractérisé son travail jusque là.

Les poèmes de ce recueil cependant indiquent que ses goûts et préoccupations n'avaient pas varié. Ses thèmes principaux se retrouvent aisément : la guerre,  l'amour et ses variations, son irréductible opposition au style de vie habituellement recommandé : sa triste observation de la vie sociale, et un dernier poème, d'amour, tout simple, qui dit qu'il n'est pas possible d'écrire l'amour heureux.

Petit à petit, longtemps après sa mort, entre 1986 et 1995, je traduisis ses poèmes en français à l'exception de cinq d'entre eux qui avaient paru en 1968 dans Les Lettres Nouvelles et qui avaient été traduits avec François Legros.

L'actualité des poèmes de Keith Barnes ne fait pas de doute. C'est pourquoi j'invite obstinément à le lire et à l'entendre.

Jacqueline Starer (2003)